De passage en France, Jacques Warren a donné ce jeudi 23 mai 2013 une conférence sur le thème des enjeux organisationnels en analytique. Cette conférence a eu lieu dans le cadre d’un petit déjeuner organisé par AT Internet dans les locaux de Microsoft à Issy Les Moulineaux. Jacques Warren avait déjà publié un article intitulé « Metrics are Politics » en anglais à ce sujet sur son blog et ce fut un grand plaisir de pouvoir écouter de vive voix sa vision et ses recommandations.
Jacques a commencé sa conférence en rappelant que la plainte #1 des analystes est que personne ne lit les rapports qu’ils produisent. La simple communication des faits ne semble pas suffire. Est-ce par indifférence ou par aveuglement volontaire ? Si le but de l’analytique est de générer de la connaissance, alors comment peut-on se permettre d’en ignorer les résultats ?
Jacques a continué en expliquant que la vérité est nécessaire mais pas suffisante. D’après lui, il y a 5 niveaux différents de gouvernance autour de l’analytique :
- gouvernance des données : tout ce qui touche la production des données, collecte, mise en forme, règles, processus. Ce niveau est plutôt bien géré de manière générale
- gouvernance des applications : quel produit et quelle solution ? quel niveau d’expertise développer à l’interne ? Quelles activités doit-on sous-traiter ? Ce niveau est plutôt bien géré de manière générale
- gouvernance de l’analyse : quelle grille d’analyse pour les résultats ? Quels KPIs utiliser ? Il reste encore pas mal de travail à ce niveau
- gouvernance du partage des résultats : quoi, à qui et quand ? Comment systématiser et organiser les processus de communication des résultats ? Il existe de la résistance à ce niveau.
- gouvernance de la prise de décision : a-t-on des processus clairs pour les prises de décision ? De même il existe une résistance à ce niveau.
D’après Jacques, il est important de ne pas oublier la situation suivante : mesurer le marketing, c’est mesurer ceux qui le conçoivent et l’exécutent. Personne n’aime vraiment être mesuré. La mesure peut être menaçante.
Aussi, les KPI ne sont pas toujours objectifs. Les KPI peuvent être le résultat d’un consensus, dont l’effet pervers du consensus est d’aboutir à un compromis afin de conserver la paix entre les différents intérêts en présence. Ceci peut notamment amener à la création de « Ghost Metrics » : une métrique qui ne mesure pas grand-chose et qui ne dérangera pas beaucoup de monde. Le risque est de faire des KPIS la résultante d’un compromis au sein de l’entreprise et on ne mesure rien qui soit menaçant.
Il y a aussi le risque que l’analytique finisse par devenir au service de l’idéologie, en ne faisant que confirmer des croyances qui circulent dans le marché, comme par exemple : « Il faut être sur les réseaux sociaux », « Les clients multicanaux sont les plus profitables », « Un taux de rebond de 75 % est horrible », etc… L’analyse des données doit pouvoir servir à confirmer ou à infirmer ces affirmations de manière objective et impartiale.
Jacques a ensuite rebondit sur les « hippos » (highest paid person opinon, opinion du plus gros salaire), cliché que l’on retrouve souvent dans le domaine de l’analytique Web, comme quoi les dirigeants ne comprennent rien aux recommandations des analystes. Jacques se demande si l’attitude des dirigeants n’est pas en fait liée au fait que les analyses ne sont pas assez bien positionnées d’un point de vue stratégique et business. L’analyse Web n’a en effet pas livré toutes ses promesses depuis plusieurs années.
Au bout du compte, on arrive à une situation où l’analytique a du mal à imposer ses fins en raison des différentes forces en présence dans le contexte politique des entreprises. Ignorer cela serait naïf. Les entreprises sont en effet faites d’êtres humains avec des intérêts et des rapports de force .
D’autres éléments influencent aussi la façon avec laquelle l’analytique sera perçue : les urgences qui arrivent dans l’entreprise, le manque de temps, le changements de priorité, le poids du passé, etc…
En conséquence, faisons de l’analytique qui rassure et qui inspire. L’analytique doit en effet être action. On n’est pas là pour faire de la science. On est là pour aider des managers à prendre des décisions. L’analytique n’a de sens que dans l’action.
Comment remédier à ces défis ?
1. augmenter la pertinence de ce que l’on raconte, en reliant les analyses au système de mesure de performance de l’entreprise
2. repositionner sur un discours client (prospect, client, ventes, etc…)
3. mieux positionner l’analytique dans l’organigramme de l’entreprise afin d’éviter les conflits d’intérêts : centre d’excellence (analyse fonction séparée du reste) ou direction financière (mesure globale de l’entreprise)
Matthieu Llorrens, Directeur Général d’AT Internet, a clôturé la conférence avec les annonces de la mise en production prochaine de nouvelles fonctionnalités d'Analyzer III :
1. Historique des modifications dans Data Manager
2. Conditions de variable dans Data Manager
3. Segmentation visiteur par cohorte, ce qui permettra de suivre le comportement actuel de visiteurs par rapport à une période dans le passé
Un grand merci à Jacques Warren et à l’équipe d’AT Internet pour cette conférence stimulante et enrichissante !